Article 1er: Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité….

« Marcel on l’appelle Papy. Il n’a pourtant qu’une cinquantaine d’années. Depuis 30 ans dans la rue, Marcel. La faute à l’alcool… La faute à une peine de cœur jamais cicatrisée. Il a morflé, Marcel et il crie comme il pleure. Il le hurle à la gueule de la société :

« Un SDF qui crève dans la rue, ils en ont rien à foutre ! Même pas les pompiers, même pas les assistantes sociales : j’ai demandé un appartement. Refusé ! Les gens se sont toujours foutus de ma gueule. Pourquoi ? Et pourquoi y a des putains d’appartements qui sont vides, là ? Au moins qu’ils nous laissent dormir dedans. C’est beaucoup demander, ça ? J’ai tellement les glandes… On n’est pas nés pour vivre dans la merde. »

Marcel attrape une jeune femme par le bras. Une voisine. Moins indifférente que d’autres. Une voisine qui apporte du café, un peu de nourriture et de la chaleur humaine.

De l’index en direction du canal, en contrebas, Marcel dit d’elle : « Cette dame, si elle n’était pas là, je me serais jeté » et tout le monde acquiesce.

Ici, on survit de la générosité anonyme. On va se laver à « La Boutique », du côté de la gare. Le linge ? A la laverie dès qu’on a une pièce. Et le froid qu’on surmonte. Dont on ne se plaint pas, comme par superstition on ne dit pas le nom du diable, faudrait pas attirer son attention. Il regarde Josiane et puis il se marre, Marcel : « Le matin il caille, mais elle le dit pas. »

Et Josiane confirme : « On galère pour avoir des couvertures. »

Fataliste, Marcel : « Qu’est-ce que tu veux que je te dise… Il fait froid… » Marcel étouffe un sanglot puis laisse jaillir les larmes.

Marcel aimerait qu’on écrive que ses parents sont morts et qu’il les aime et qu’il voudrait qu’ils le sachent même s’ils sont morts.

On lui dit qu’on l’écrira. Voilà.

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